TAUPONS-LÀ !

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Attendue avec impatience, cette petite pluie fine et régulière de début Mai a été la bienvenue.

Jeannot, le jardinier était radieux ; ses jeunes plants éprouvés par les chaleurs inhabituelles d’Avril allaient enfin profiter d’une météo clémente. Quotidiennement  il va leur rendre visite, scrutant avec soin la moindre tâche sur une feuille, surveillant le premier indice d’une invasion parasitaire..

Casquette bien ancrée sur son crâne, ce matin, il part en chantonnant passer son inspection journalière, quand soudain…Horreur ! Son jardin n’est plus qu’un champ de mine ! Des petits monticules trahissent le labyrinthe soigneusement creusé dans le plus grand secret par une taupe….Elle aussi a surement apprécié la pluie. Imaginez l’énergie déployée par cette pauvre bête pour creuser sa galerie dans une terre ingrate et durcie par une sécheresse persistante ! Une aubaine cette terre ameublie pour circuler dans un dédale de tunnels compliqués ; virages, lignes droites, crochets inattendus, embranchements, bifurcations, aiguillages.

A la vue de ses légumes grossièrement buttés par une horticultrice peu experte, Jeannot est furieux. Je le soupçonne même de s’être laissé aller à quelques écarts de langage articulés dans ce si bel accent gascon, le chant de la terre. N’aurait-il pas lancé un « Macaréou » vibrant bien de chez nous ?…. La guerre contre le prédateur est déclarée.

Incrédule, notre jardinier contemple ces curieux chapelets de taupinières. Nuisible la taupe ou finalement plutôt utile ? Elle ne mange que des vers de terre, en plus, elle aère le sol en profondeur. Agacé ou pas, il ne peut s’empêcher de tomber en admiration devant l’admirable tâche de cette,bête. D’ailleurs, le verbe « tauper » au 19 ième siècle  ne signifiait-il pas « travailler énormément ».

Hélas, comment convaincre une taupe d’aller exercer ses talents ailleurs que dans un carré de poireaux ou de salades ?

 

Le voilà perplexe devant ces cheminées, ces monceaux de gravats remontés à la surface par une professionnelle de la mine avec pour seuls instruments de forage, des pattes ? Les moyens de lutte contre elle sont limités. Protégée contre toute attaque aérienne  par un épais blindage de terre, que peut-elle craindre ? Peu probable de la trouver à la surface. Elle ne se résigne que très rarement à y monter pour y découvrir un peu de ravitaillement et juge fort inutile de rôder lamentablement au clair de lune parmi les herbes roussies au risque de se faire croquer par une hulotte….Enfouir des objets pointus dans  les galeries ? L’animal a une peur bleue des pièges qu’il trouve en travers de son passage et se contentera de creuser une voie de dérivation pour contourner prudemment le danger.

Les bouteilles plastiques bringuebalantes au sommet d’un bâton sèmeraient paraît-il  la terreur chez le petit terrassier ? La solution miracle,  planter au milieu du territoire de l’animal, qui ne peut être qu’ensorcelè, l’une des trois plantes connues depuis l’Antiquité pour l’éloigner : l’Epurge, l’Héllebore ou le Datura….

Jeannot a la fibre écologique. Dès demain il se procurera des pieds de l’une de ces prestigieuses herbacées…  Confiant, rasséréné par les roulades magiques du Merle, il sourit….fier de son potager.

Faites comme lui. Essayez, patientez en écoutant les chants capiteux du petit monde des oiseaux. Un joyeux concert inonde les beaux jours du nouveau printemps. Laissez-vous bercer par la petite musique scandée par le Rouge-Queue venu tout près de votre logis vous dire qu’il est votre ami.

CH D

 

2 Responses

  1. AM

    Quelle plume !…
    Une jolie page, une récréation en ce printemps compliqué.

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