Sortie à L’Isle Jourdain 26 mars 2024

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Une journée à L’ISLE JOURDAIN, un 26 mars 2024 en compagnie de nos amis :

Nullement découragés par le temps pluvieux, mais prudemment armés de nos parapluies, nous partons en tout début de matinée à L’Isle -Jourdain où nos amis Lislois, Jean-Pierre et Françoise nous accueillent chaleureusement autour d’un café très apprécié.

Marie-Claude sera notre guide et nous fera découvrir la richesse de ce musée campanaire, musée européen, inauguré le 14 décembre 1944 sous la présidence  de François Mitterrand.

En Maître fondeur confirmé, Marie-Claude explique les différentes étapes de la coulée des cloches. La fabrication de cet instrument de musique a été codifiée au XI° siècle par le moine Théophile. Si les instruments pour réaliser la coulée se sont modernisés, en particulier le four, les techniques n’ont guère évolué. Autour d’un noyau central, on fabrique une « fausse cloche » décorée à l’identique de la « vraie cloche ». Décors et textes personnalisant l’objet ont été préalablement sculptés sur des moules en buis, en plâtre avec pastille de résine ou de graphite gravés en creux. Sur la « fausse cloche » on applique une chape en terre et en chanvre. Lorsqu’elle est sèche, on la soulève, on brise « la fausse cloche » et on coiffe le noyau de cette chape. Intervient alors la dernière phase, le coulage du bronze dans le vide existant entre ces deux structures.

Vient ensuite une étape délicate, déterminer les caractéristiques acoustiques de la cloche et choisir « le son ». L’accordage est réalisé sur un tour et des parcelles de métal sont enlevées aux endroits correspondant aux positionnements des différents octaves, quinte et tierce mineure. Reste enfin à choisir le battant. Marie-Claude détaille l’impressionnante série de battants en fer exposés.

Un long arrêt s’imposait devant l’un des joyaux du musée, un élément remarquable classé monument historique, « le Carillon de la Bastille », l’horloge monumentale de la prison royale avec sa sonnerie de trois cloches, le « trillon ». Coulées en 1761 par le fondeur du Prince de Condé, Jean-Charles (ou Louis…) Chéron, les trois cloches reposaient sous le clocheton du bâtiment de l’état major de la forteresse. La mécanique commandait un grand écran extérieur supporté par deux personnages couverts de véritables chaînes. Visible de la cour centrale, le cadran symbolisant la privation des libertés, a été détruit par les assiégeants. Après la prise de la Bastille, le Maître horloger Régnault, porteur d’un ordre du commandant de la milice parisienne, le Marquis de La Salle, vînt réclamer l’horloge monumentale et ses cloches les sauvant de la destruction.

Continuons à déambuler jusqu’aux impressionnants prototypes de l’horlogerie monumentale. Bien avant le découpage du temps par les grands cadrans qui permettaient de « voir l’heure », ces mécaniques effectuaient un découpage sonore du temps grâce au tintement des cloches qu’elles entraînent. Notre guide détaille une collection de poids de formes et de matériaux différents. Nous la sentons particulièrement émue devant « l’horloge à automates », chef d’oeuvre réalisé au milieu du XIX°siècle par le maître horloger Chenet-Blondin. Le semainier en tôle peinte retrace des scènes populaires. La façade des cadrans indique les correspondances d’heures entre Paris et douze villes du monde. Le carillon de quatre timbres frappés par des jacquemarts naturalistes, un meunier, un artisan, un ouvrier, un paysan sonne les quarts, les demies et les heures. Un éphéméride donnent des informations précises : le nom du saint du jour, désigné par le doigt de Chronos, dieu du Temps, celui du jour, exactement neuf mois avant marqué par un personnage féminin.

Utilisés comme signal dans la vie quotidienne ou dans les lieux publics les instruments campanaires sont nombreux. Il serait fastidieux d’énumérer tous ceux que nous avons vus, mais la cloche signalant le passage du tombereau des ordures ménagères à L’Isle Jourdain et les trois cloches de bateau anglaise, allemande et américaine méritent une mention spéciale…

Dans la vitrine où sont exposées les cloches en acier fabriquées avec le métal des avions abattus pendant la guerre , « la cloche de la Victoire » retient évidemment l’attention, un vrai symbole. Réalisée avec des débris d’avions allemands abattus au dessus de l’Angleterre pendant la guerre du Blitz, elle est frappée à effigie des dirigeants alliés, Roosevelt, Churchill et Staline.

Elle côtoie une cloche de service…en cristal dont la fragilité semble intensifiée par la robustesse de ses voisines en acier…

Marie-Claude attire notre attention sur un petit carillon, identique à celui que l’on pouvait trouver dans certains villages où le marquage des notes sur les touches en bois, les « bâtons », facilitait l’apprentissage de la musique

Les vitrines réservées à l’archéologie présentent quatre millénaires de savoir faire techniques et artistiques. Quelques datent à retenir illustrant l’utilisation des métaux suivant les sociétés : 5000 AV Jésus Christ dans le Caucase et au Luristan,

3500 AV Jésus Christ en Chine (la métallurgie du cuivre),

III° millénaire AV Jésus Christ en Asie Mineure,

1400 AV Jésus Christ en Asie Mineure,

1400 av Jésus Christ en Chine (bronze).

Fort à propos en ces jours de Carême, nous pouvons admirer claquoirs et crécelles utilisés dans cette période où les cloches sont condamnées au silence par la liturgie.

Nous entreprenons un long voyage dans le temps de l’Europe aux Amériques en passant par l’Afrique, l’Orient et l’Océanie. Une invitation au voyage à laquelle nous ne résistons pas. Parmi les innombrables objets présentés certains ont accroché notre curiosité.

Nous partons en Océanie en admirant l’objet rituel du Vanuatu fabriquer en bois de cocotier et serions tentés de danser au son du tambour de fête creusé dans un tronc. Un carillon antique nous amène en Chine. De curieux tambours à tête de poissons sont utilisés lors des cérémonies bouddhistes. Cet instrument à percussion en bronze est un tambour de pluie du Laos datant du XVII°-XVIII° siècle, finement décoré de grenouilles et d’éléphants. Les cloches africaines sont faites de différents matériaux, bois, fer, bronze, cuivre laiton, ivoire. Sans battant intérieur, elles sont accompagnées d’un bâton comme les tambour. La tradition et leur usage dictent leur ornementation. Jusqu’au XVI°siècle, l’art campanaire sur le continent américain est essentiellement représenté par des grelots des hochets et des bijoux.

Revenons en France. Un espace est dédié aux subrejougs. A l’origine ce n’étaient que de grosses bobines de bois qui venaient coiffer la cheville centrale du joug et en renforçaient la résistance. La conception de la structure du joug évoluant, la bobine de joug devint inutile et se transforme en objet d’ornement. Plus longitudinaux, les subrejougs seront creusés dans leur partie centrale, ajourés de fenêtres sur plusieurs étages. Surmontés d’une flèche où alternent moulures et gorges sculptées, ils sont souvent peints de couleurs vives. Des clochettes viennent égayer les structures les transformant en véritables carillons ambulants.

La dernière vitrine est consacrée aux grelots, grelots d’éléphants, de buffles, de chameaux. Plus anciens que les clochettes, ils se retrouvent dans toutes les civilisations. Leurs formes n’ont pas changé depuis le début de la fabrication.

Nous avons le privilège de terminer notre visite au son du carillon…Séduits et dynamisés par ces notes alertes et enjouées nous quittons le musée pour rejoindre notre restaurant, « l’Echappée Belle », où nos papilles apprécieront le velouté du crémeux de champignons, le moelleux du suprême de pintade et la saveur du bavarois.

 

Après le repas, nous pensions visiter la maison de Claude Augé… C’était sans compter sur le souhait de Jean-Pierre… Nous faire partager l’histoire de l’Isle-Jourdain et nous livrer quelques anecdotes…

Malgré la fraîcheur de l’air enveloppant la place Gambetta,
Cet orateur infatigable s’appliquera à retracer l’historique de la ville.

Au sud de la bourgade actuelle existait une petite agglomération connue sous le nom de « Mutatio Bucconis », lieu d’échange sur la voie reliant Toulouse à Auch. Les vestiges découverts lors de la construction de l’axe à quatre voies ont révélé une occupation du lieu jusqu’au XII° siècle, moment où il est abandonné au profit du site voisin de la « Ylha »correspondant au centre ancien de la ville d’aujourd’hui. Situé sur la vieille route de l’Isle-Jourdain à Auch, le Pont Tourné peut s’enorgueillir d’avoir vu passer entre autres Henri de Navarre à trois reprises (1575,1578 et 1580) et Louis XIV à deux reprises (1659 et 1660) lorsqu’il rejoignait l’infante Marie-Thérèse à Saint-Jean de Luz.

Arrivons Place de l’hôtel de ville. La halle abritant aujourd’hui le musée est un édifice du XIX°siècle : classée aux monuments historiques, elle était initialement destinée au marché aux grains. Côté Nord de la place, l’hôtel de ville, appelé parfois « Petit Capitole », dresse son imposante façade de couleur rosée. Face à nous, la maison de Claude Augé bâtie en 1903 affiche sur ses trois niveaux un éclectisme très en vogue au début du XX° siècle. Au fil du temps et des travaux, les maisons à arcades ont été transformées brisant l’unité architecturale du site.

C’est confortablement installés sur les bancs de l’auditorium que nous écouterons Jean-Pierre. Croquis à l’appui, il détaillera l’évolution de la ville. On voit qu’au 13 ième siècle la ville médiévale, bâtie sur la rive droite de la Save, était ceinte de murs percés de quatre portes. Il s’attardera sur l’évolution de la collégiale Saint-Martin construite entre 1779 et 1785 sur les plans de l’architecte toulousain Arnaud Raymond. Détériorée pendant la Révolution, l’église ne retrouvera sa fonctionnalité qu’en 1820.

Notre passionné ne pouvait passer sous silence des événements particulièrement ancrés dans la mémoire des Lislois. A la révolution, la ville fut le théâtre d’une tragédie liée à une insurrection royaliste. Elle fut réprimée dans un bain de sang provoqué par les troupes toulousaines placées sous l’autorité du Général Aubugeois. La ville fût pillée.

Lors de la seconde guerre mondiale, le bataillon d’Armagnac placé sous les ordres du commandant Parisot encerclera les troupes allemandes fuyant Auch et tentant de se replier sur Toulouse. Le combat dura du 19 au 20 août 1944. La victoire des maquisards marquera la fin de l’occupation allemande dans le département du Gers.

Dernière visite sous la conduite de Nicole, la maison de Claude Augé.

De style « Ile de France », classée monument historique, aujourd’hui propriété de la commune, cette demeure offre une façade décorée de moulures aux encadrements des baies, des consoles à décor végétal, des chapiteaux ornés d’artichauts, les sculptures des visages des deux filles de Claude Augé. La loggia est soulignée d’un balcon à balustres.

Nicole précise la personnalité de Claude Augé, ce Lislois né le 31 octobre 1854 qui commença une carrière d’instituteur. Après son mariage avec la petite nièce de l’épouse de Pierre Larousse, il rejoint la librairie Larousse où il est engagé comme aide comptable. Devenu rapidement l’un des directeurs de l’entreprise, il exercera cette fonction de 1885 à 1920, date à laquelle son fils, Paul, lui succédera.

Rentrons dans la maison. La décoration est d’inspiration « Art Nouveau » pour ses papiers peints et ses mosaïques. Les plafonds sont décorés de moulures et de rosaces. Une cheminée de marbre orne chaque pièce. Les nombreuses fenêtres possèdent des vitraux, véritables tableaux aux motifs exotiques ou végétaux reflétant une luminosité colorée. Une magnifique verrière zénithale hexagonale où foisonnent fleurs, oiseaux, volutes et arabesques éclaire l’escalier d’honneur. Au premier étage se trouve le vitrail de la Semeuse inspiré par la Semeuse d’Eugène Grasset créée en 1890, réplique de la première page du Nouveau Larousse illustré. Tout le monde connaît la Semeuse, cette femme soufflant les akènes d’un pissenlit devenue l’emblème des dictionnaires Larousse. Elle servit de monogramme à la librairie pendant plus de 50 ans avant d’être modernisée.

Nous visitons les principales pièces d’apparat empreintes du souvenir du lexicographe. Les vitrines soigneusement et richement présentées permettent de remonter le temps et de reconstituer l’oeuvre de Claude Augé.

Le Nouveau Larousse illustré, véritable trésor de l’édition française, sera édité en sept volumes entre 1897 et 1904. Claude Augé est le créateur du Petit Larousse Illustré. Il a introduit l’illustration « car il y voyait l’importance de l’image pour les enfants ». Le premier petit Larousse est publié en 1905. En 1907 commence la publication du Larousse mensuel illustré, sous titré « revue mensuelle encyclopédique ; sa publication durera jusqu’en 1957. 1912 marque l’édition du premier Larousse médical. La même année « le Petit Larousse »est adapté en espagnol sous le titre de « Pequeño Larousse illustrado ». Larousse est un des rares éditeurs de dictionnaires à publier dans une autre langue que celle d’origine.

 

Excellent musicien, Claude Augé réalisa la compilation de partitions destinées à l’apprentissage de la musique.

Ce Lislois, également fin pédagogue, édita en 1908 le « Cours complet de grammaire française » dont un exemplaire est exposé dans la salle à manger parmi de nombreux manuels scolaires.

Comment quitter sans une certaine nostalgie cet endroit empreint de la présence de son illustre propriétaire ? Nous allons pourtant devoir prendre congé de nos hôtes en les remerciant de leur gentillesse et de leur disponibilité. Le souvenir de cette agréable journée « tintera » longtemps dans nos mémoires.

Le Musée Campanaire :

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La Maison Augé :

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2 Responses

  1. admin6571

    Merci Françoise et Jean Pierre pour votre commentaire . Nous nous empressons de corriger notre petite erreur.
    Amicalement et à bientôt pour d’autres chaleureux partages .

  2. Françoise et Jean-Pierre

    C’et avec un grand plaisir que nous avons découvert le magnifique compte-rendu de la sortie du club à L’Isle-Jourdain. Félicitations aux auteures de l’article et des photos, le tout d’une rare qualité qui dénote l’intérêt porté aux visites proposées.
    Une petite précision cependant: le musée n’a pas été inauguré en présence de F. Mitterrand, mais sous sa présidence.
    Nous avons été très heureux de vous recevoir et d’avoir partagé cette journée amicale.

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