Sortie au musée des Abattoirs Toulouse
Ce fut une journée bien remplie, riche en expériences photo et très conviviale. Trajet en train d’Auch à Saint Cyprien Arènes pour nous rendre au musée des Abattoirs visiter l’expo « Ouvrir les yeux » à partir de photos des fonds du musée et de la galerie du Château d’eau.
Lors de notre balade à pied de la gare au musée, sur les conseils de Janine et Bernard, nos guides et organisateurs de la journée, grand merci à eux, nous fîmes un arrêt pour nous plonger dans l’expo de Rima Sannan, photographe franco-libanaise. Deux thèmes pour cette expo : « L’amour se porte autour du cou » et « Le bonheur tue ». Le premier donne lieu à la présentation de photos de famille, récupérées, agrandies, recolorées aux crayons de couleur et rephotographiées. Une façon originale et gaie de faire revivre les beaux souvenirs. Le deuxième thème est plus lourd : par des photomontages, des juxtapositions, des collages, Rima Sannan nous fait partager ses « images fantômes », fait ressortir le bonheur mais aussi les traumas, la « folle tragédie » de sa famille et de son pays meurtri, le Liban. L’explosion meurtrière dans le port de Beyrouth en août 2020 en a été le déclencheur et a permis de faire remonter en elle et pour son inspiration le bonheur et le malheur mêlés de son passé familial et national. La juxtaposition est saisissante et les images sont fortes, une même couleur pouvant être celle d’un instant heureux et celle d’un évènement meurtrier (feu, explosion, attentat…) . Une réussite.
Après un agréable pique-nique à la guinguette en bord de Garonne, visite de la fameuse expo : d’abord une déambulation libre au gré des centres d’intérêt de chacun pour une première impression, puis visite guidée avec un guide passionné, brillant, clair, exceptionnel.
Imaginez le travail de sélection, d’organisation, de classement à partir de fonds immenses. Le choix se fit autour de thèmes répartis dans différentes salles et dans la nef, chaque salle comporte une ou deux photos, rappel ou annonce de celui d’une autre, clin d’œil aussi à la difficulté à les faire entrer dans des cases, avec dans la première salle un hommage à Jean Dieuzaide, photographe et fondateur de la galerie du château d’eau en 1974.
Les thèmes sont
– Sur le vif
– Réalités parallèles
– Sublimer le banal
– L’art et la matière
– La fabrique du soi
– Double je
– Les corps photographiques
Dans la nef, la photo d’accueil est formée d’une multitude de petites photos fixées sur une sorte de mobile, elle forme un paysage balayé par le vent. Elle résume à elle seul toute la conception de l’expo en en reprenant quasiment tous les thèmes et étant elle-même comme une collection, un kaléidoscope (sur le vif, le vent, réalités parallèles grâce au photomontage, sublimer le banal, personnage ordinaire dont le chapeau s’envole l’art et la matière, allusion au tableau « Coup de vent dans les rizières d’Ejiri » d’Hokusai …
Certains thèmes pourraient nous donner des idées de séance au club : par exemple, « sublimer le banal » avec une photo très esthétique d’une éponge posée sur le rebord d’une baignoire de Claude Batho. Nous pourrions partir de notre entourage familier chez nous ou dans l’espace public et l’esthétiser par la lumière, la composition, la couleur … ou en monter la poésie, la chercher dans les « failles ordinaires », pour citer G. Pérec, « capter l’infra-ordinaire » ou F . Ponge, « prendre le parti pris des choses ».
Pour l’art et la matière nous ne ferons pas d’installation complexe comme Alfredo Jaar qui met en scène des photos d’actualité derrière des murets qui sont en fait les projecteurs de la photo, sur le mur la photo ne nous apparait donc que partielle et inondée de lumière par un jeu de néons. Une autre installation de la photographe et chirurguienne colombienne Libia Posada présente grandeur nature et à hauteur des nôtres une série de jambes tatouées de femme qui ont dû fuir de chez elles pour diverses raisons et à la demande du photographe y ont fait tatouer leur périple. Nous ferons peut-être simplement comme Agnès Varda : partir d’un tableau de peintre et le détourner de façon humoristique ou autre en y figurant nous-mêmes.
Dans la salle univers parallèles j’ai beaucoup aimé une photo d’Arthur Tress « Boy in Flood Dream » , « l’enfant mystérieux de Flood Dream », il nous incite à mettre en image, un rêve ou un cauchemar par le cadrage, le noir et blanc, la juxtaposition… J’ai beaucoup aimé aussi la photo de Denis Roche Atlantic Hôtel chambre 301, la photo de sa femme à la fenêtre donnant sur la mer où l’on devine en superposition le photographe lui-même. Elle illustre bien le nom de cette salle mais en annonce deux autres Double Je et La fabrique du soi, thèmes aussi en lien avec celui de la nef, les corps photographiques, des nus magnifiques, de la sensualité si des corps fragmentés comme sur la photo de deux nus de femmes de dos assises en position fœtale sur des rochers très ronds aussi. Lignes épurées, esthétisme, sensualité artiste japonais.
Une expo de près de 300 œuvres , unité et multiplicité. Vraiment intéressant.
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